Guerre en Ukraine, après l’annexion de quatre régions / Peut-on dépenser sur tous les fronts ? / n°265 / 2 octobre 2022

Connaissez-vous notre site ? www.lenouvelespritpublic.fr Une émission de Philippe Meyer, enregistrée en public à l’École alsacienne le 2 octobre 2022. Avec cette semaine : - Nicolas Baverez, essayiste et avocat.- Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.- Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.- Lucile Schmid, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. GUERRE EN UKRAINE, APRÈS L’ANNEXION DE 4 RÉGIONS   Face aux succès de la contre-offensive ukrainienne, notamment entre Kharkiv et Izioum, ces dernières semaines, Vladimir Poutine a choisi l'escalade. Après avoir annoncé la tenue de référendums dans quatre régions ukrainiennes contrôlées par Moscou en Ukraine, après avoir décrété le 21 septembre la « mobilisation partielle » des réservistes de son armée, entre 300.000 et 1 million d'hommes selon les sources - une initiative sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale – le président russe a de nouveau procédé à un chantage nucléaire. L’appel à la mobilisation a provoqué un vent de panique en Russie : des manifestations contre l'appel sous les drapeaux se sont déroulées dans une quarantaine de villes du pays, notamment au Daguestan, dans le Caucase, l'une des régions ayant payé le plus fort tribut à la guerre en Ukraine en hommes tombés au front. Plusieurs centres d'appel sous les drapeaux à Nijni-Novgorod, Orenbourg et Saint-Pétersbourg, ont été incendié. Plus de 2.400 personnes ont été arrêtées depuis l'annonce de la mobilisation. Des milliers de jeunes Russes se sont rués dans les aéroports et aux frontières pour tenter d'échapper à l’enrôlement. Cette nouvelle vague d'exode a déferlé sur les pays voisins, telle la Géorgie, avant que certains ne ferment leurs frontières, à l'exemple de la Finlande et des pays Baltes. Le Kazakhstan a indiqué mardi que 98.000 Russes avaient déjà trouvé refuge sur son territoire. Les scrutins ont été organisés en urgence du 23 au 27 septembre, dans les régions de Zaporijjia, Kherson, Louhansk et Donetsk. Mardi, les autorités prorusses revendiquaient la victoire avec 93%, 87%, 98% et 99% de « oui » à l'annexion à la Russie. Les fraudes et les pressions ont été patentes : les agents électoraux se sont déplacés au domicile des électeurs, accompagnés de soldats ; les bureaux de vote, également placés sous haute surveillance, ne disposaient souvent pas d'isoloirs. Qualifiés de « mascarades » par Paris et de « simulacres » par l'Ukraine, ils ont suscité de la réprobation jusqu'à Pékin et Ankara. Vendredi Poutine a officialisé l'annexion des quatre régions ukrainiennes et promis de les défendre « par tous les moyens possibles » tout en se disant prêt à retourner à la table des négociations. Il s’est ensuite livré à une diatribe non plus contre Kiev mais contre l’Occident tout entier, accusant les Etats-Unis et l’Union européenne d’être des puissances « russophobes », « haïssant la vérité » et « colonisatrices », qui imposent un « diktat sur le monde » en usant de « racisme », de « barbarie » et même de « satanisme ». Peu après, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que son pays était candidat à rejoindre au plus vite l’Otan. Pour Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie-Nouveaux Etats indépendants, à l’Institut français des relations internationales, « le risque d’une confrontation potentielle directe entre la Russie et l’OTAN n’a jamais été si élevé ». *** PEUT-ON DÉPENSER SUR TOUS LES FRONTS : DÉFENSE, ÉCOLOGIE, ÉDUCATION, SANTÉ ?     Le 26 septembre, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a présenté un budget 2023 de « protection » et de « plein emploi », calculé « à l’euro près ». Le projet de loi de finances entérine une hausse de 24 milliards des crédits ministériels et une augmentation des effectifs de l'État de plus de 10.000 postes l'an prochain. Le bouclier tarifaire sera reconduit en 2023, mais les particuliers devront encaisser une augmentation de 15 % des factures de gaz et d'électricité. Le ministère du Travail et de l'Emploi en passant de 14,5 à 20,7 milliards d'euros, bénéficie de la hausse de crédits la plus importante. Ses effectifs devraient aussi gonfler d'un millier de personnes. L'éducation voit son budget renforcé et passe de 56,5 milliards d'euros à 60,2 milliards. Avec la dégradation spectaculaire de l'équilibre international, le budget des armées a été augmenté de 3 milliards et atteindra 43,9 milliards d'euros. Le ministère de l'Agriculture sera doté d'un budget de 5,987 milliards d'euros, en hausse de plus de 20%. Dans ce budget qui fait la part belle aux ministères régaliens, celui de la Justice voit sa dotation passer de 8,9 à 9,6 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique principalement par le recrutement de 2.300 personnels supplémentaires. Le budget 2023 du ministère des Outre-mer est en hausse de 11%, atteignant les 2,4 milliards d'euros de crédits budgétaires, avec notamment une augmentation des crédits du service militaire adapté. Avec la création de 3.100 postes supplémentaires, le ministère de l'Intérieur est celui qui enregistrera la plus grande hausse d’effectifs en 2023. Le budget alloué aux « Sécurités » passe ainsi de 14,7 à 15,8 milliards d'euros. Les quelques rares ministères perdants sont celui de l'Économie qui voit ses crédits passer de 4,1 à 3,7 milliards d'euros et la suppression de 508 postes ; le budget du ministère des Anciens combattants passe, lui, de 2,1 à 1,9 milliard d'euros. Enfin, certains plans d'investissements vont réduire la voilure en 2023. Au total, l'exécutif prévoit un bond des dépenses de près de 40 milliards d'euros entre la loi de finances initiale en 2022 et le projet de loi de finances 2023 passant de 461,5 milliards d'euros à 500,2 milliards d'euros l'année prochaine. Cette enveloppe pourrait être amenée à gonfler en fonction de l'évolution du contexte géopolitique et des prix de l'énergie. Le Haut Conseil des finances publiques, un organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes a jugé « peu ambitieuse » la trajectoire de maîtrise des finances publiques sur les cinq prochaines années. Il estime que « l'effort de la maîtrise de la dépense n'est que partiellement documenté ». En 2022, le taux d'endettement public est de 116 % du PIB, le déficit public de l'ordre de 5,5 % du PIB. Plusieurs partis d'opposition (Nupes, Rassemblement national) ont déjà fait savoir qu'ils n'allaient pas voter ce budget. Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr

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